Après "Versailles" (2008) et "L'exercice de l'État" (2011), Pierre Schoeller continue sa singulière exploration du pouvoir. Avec "Un peuple et son roi", il met en scène ces années de la Révolution qui conduiront de la prise de la Bastille à l'exécution de Louis XVI. Dans une fresque souvent elliptique, avec un parti pris : dépeindre le lien entre le roi et le peuple.
Dans cette période, l'aspiration de liberté s'incarne dans la revendication d'une citoyenneté et sa construction chaotique, toujours fragile. Mais que faire du roi ? Ce roi que l'on voit lavant les pieds des pauvres, devant qui on s'agenouille, qui semble accepter le principe d'une monarchie constitutionnelle puis tente de s'enfuir… La question lancinante traverse le film de bout en bout.
On connaît bien sûr l'Histoire. Les émeutes réprimées dans le sang, les joutes oratoires lors de la Convention, le vote en faveur de l'exécution qui s'est joué à quelques voix. L'injonction de Saint-Just : "Cet homme doit régner ou mourir." Le jugement sans appel de Robespierre : "Une mesure de salut public… parce qu'il faut que la patrie vive." On mesure aussi le symbole : la figure du roi était emblématique. On sait la suite : la Terreur ; l'avènement d'un empereur.
Pour autant, la question "Pourquoi avoir tué le roi ?" demeure sans réponse réellement probante. L'omniprésent clair-obscur du film souligne la formidable oscillation entre l'aspiration du peuple à la dignité et la noirceur censée lui donner corps. L'ambivalence du lien entre le roi et les citoyens perdure au-delà de l'abolition des privilèges.
Et pour cause : cette ambivalence est aussi consubstantielle de la relation entre gouvernants et gouvernés. Partout où s'exerce le pouvoir, elle continue de nourrir l'imaginaire et de cristalliser le désir d'émancipation. Cette question-là n'est pas près d'être tranchée.